Nous souhaitons une société de l'information égalitaire dans ses dimensions culturelles, sociales et politiques. Pour favoriser l'intégration sociale et professionnelle de tous, les techniques numériques doivent être porteuses de valeurs et améliorer la participation démocratique ainsi que les conditions de vie des individus. L'objectif de cette charte, rédigée par un collectif européen, est de faciliter la réflexion et l'action pour mettre en place un environnement d'e-learning* socialement inclusif.
La charte est divisée en trois parties :
La charte est disponible en 11 langues européennes au format PDF :
Vous pouvez signer cette charte pour marquer votre soutien. Une affiche à imprimer est téléchargeable (format PDF, 393ko)
Cette charte a été écrite dans le cadre de l'action eLearning for eInclusion soutenue par l'Initiative eLearning de la Commission européenne et animée en France par le GRETA du Velay et l'Enesad. Elle reçoit l'appui de la Délégation aux usages de l'internet. Le GRETA du Velay en assure la promotion sur ce site.
* e-Learning : utilisation des nouvelles technologies du multimédia et de l'Internet afin d'améliorer la qualité de l'éducation et de la formation à travers l'accès à distance à des ressources et des services, ainsi qu'à des collaborations et des échanges. (définition de la Commission européenne - Initiative eLearning)
L'informatique et le multimédia sont des techniques mises en place et utilisées par des hommes et des femmes dans un contexte social donné. Internet a la particularité de toucher aux modes de communication, au partage et au stockage de l'information. Internet est aussi une technique flexible qui peut être diffusée, appropriée et adaptée en un temps relativement court. Son évolution peut donc s'orienter rapidement dans des directions non prévues.
Parce qu'elles permettent de nouveaux modes de communication et d'organisation, les techniques d'information et de communication (TIC) sont souvent présentées comme capables d'atténuer certaines inégalités. Mais les inégalités d'accès et d'usage sont d'abord le prolongement d'inégalités économiques et sociales préexistantes. Une diffusion non homogène des ressources d'Internet dans une société basée sur l'information risque donc de les accentuer.
L'accès à l'infrastructure et à l'outil (pas nécessairement au domicile) doit être considéré comme un droit du citoyen mais il faut aller plus loin. Car, au-delà de la fracture numérique matérielle connue et mesurée par des taux d'équipement et d'accès, il existe une fracture plus importante dans la qualité d'utilisation des TIC, dans la capacité à sélectionner, traiter et produire de l'information, dans la capacité d'apprendre en permanence, dans la capacité à jouer un rôle actif dans la société de l'information et dans la capacité à mettre en place une organisation compatible avec l'usage attendu. Ces capacités sont indispensables à la réussite professionnelle et à l'épanouissement personnel.
La disparité d'accès soulignée par le terme de fracture numérique reflète une répartition inégale des ressources entre pays, zones géographiques, individus ou collectivités. Elle se retrouve aussi dans les usages : ceux qui ont les moyens d'acquérir du matériel et des logiciels et qui ont accès aux réseaux sont aussi ceux qui ont la connaissance et les capacités pour en tirer profit.
L'outil lui-même génère de l'exclusion : il n'est pas toujours adapté à l'utilisateur, et de nouvelles versions plus complexes sont continuellement mises sur le marché. Une initiation tardive aux TIC au sein des groupes défavorisés rend l'apprentissage de premier niveau plus difficile : il reste donc moins de temps, de motivation et de capacités cognitives pour développer un usage positif et citoyen de l'outil. Les associations locales qui luttent contre l'exclusion sociale sont elles-mêmes en danger d'exclusion parce qu'elles manquent de l'expertise nécessaire pour être sensibilisées aux possibilités des techniques et à leur impact.
Le taux d'équipement informatique et l'accès à Internet augmentent avec le niveau d'éducation, le statut socioprofessionnel et le niveau de revenu. Les hommes sont plus connectés que les femmes, les ménages avec enfant(s) plus que les femmes isolées, les villes plus que les régions rurales ou insulaires, et les pays riches plus que les pays les moins avancés. Les personnes issues de l'immigration, d'ethnies ou de groupes minoritaires sont moins connectées. Pour chacune des catégories, ce sont les populations les plus âgées qui utilisent le moins les TIC (mais elles sont souvent plus pauvres, moins formées et plus isolées). Les liens entre ces facteurs, leur poids relatif et leurs effets cumulatifs sont encore mal connus.
On utilise Internet si l'on sait (que l'on peut) en retirer un bénéfice au quotidien. C'est le contexte professionnel ou éducatif qui génère les premiers usages : l'exclusion du travail et de la formation augmente le risque d'exclusion des TIC.
Si l'utilisation d'Internet reste très majoritairement liée au travail, elle est aussi intégrée à la sphère familiale et à la vie quotidienne. L'usage le plus répandu est le courrier électronique, d'abord à des fins professionnelles, mais aussi pour garder le contact avec les proches. Les groupes de discussion et les forums sont moins présents qu'aux débuts d'Internet. La dimension collective tend donc à s'effacer au profit de relations centrées sur l'individu : avec sa famille, avec son réseau social, avec son réseau professionnel.
Cela va de pair avec un comportement consommateur de ressources et de services plutôt que producteur. Les influences libertaires et égalitaires présentes à la création d'Internet s'effacent au profit d'une structuration marchande. À un véritable fonctionnement en réseau où chacun crée de l'information tend à se substituer un fonctionnement descendant de type radiodiffusion illustré par une consommation asymétrique avec l'ADSL. Cette évolution individualiste, reflet des pratiques sociales dominantes, entretient l'exclusion.
Les catégories qui n'ont pas accès à Internet sont aussi celles qui ont le plus de difficultés à trouver des contenus adaptés à leurs besoins (et à leurs envies) puisque personne ne les produit pour elles. Elles ont donc d'autant moins de raisons d'y accéder.
L'effet conjugué des politiques publiques et d'une baisse des coûts réduit le différentiel d'accès mis en évidence pour chacun des facteurs du clivage numérique précédemment cités.
Mais surtout, les politiques d'accompagnement, à travers l'éducation et la formation, doivent permettre à tous les groupes sociaux de développer leurs propres capacités d'apprentissage et d'adaptation au changement, car sinon, seuls les environnements dominants permettront de reproduire ces capacités.
Le développement de l'éducation et de la formation reste donc la meilleure stratégie pour combattre la fracture numérique. Il faut cependant prendre garde aux risques d'exclusion causés par les systèmes d'e-learning eux-mêmes, avec des approches trop formelles, des techniques inadaptées, l'absence de contexte signifiant ou des méthodes généralisantes ignorant les dimensions socioculturelles. L'inclusion numérique implique de contextualiser les formations pour dépasser la découverte des fonctionnalités d'outils spécifiques et ne pas uniquement apprendre à surfer sur le web ou à envoyer des courriels. L'acquisition de ces capacités est un préliminaire qu'il faut dépasser pour utiliser les TIC d'une façon positive et constructive. Savoir utiliser un logiciel de navigation ne veut pas dire que l'on est capable de trouver une information pertinente en un temps limité ou de participer à une production collective à distance. Confondre les objectifs, c'est apprendre à utiliser un logiciel de traitement de texte au lieu d'apprendre à écrire.
L'e-learning ne doit pas se limiter aux formations en ligne mises en place par et pour les universités et les grandes entreprises. Il ne doit pas être uniquement centré sur la gestion d'apprenants et sur l'accroissement de l'aire de chalandise des organismes de formation.
Développer des projets d'e-learning c'est d'abord s'assurer que tous les groupes sociaux ont accès aux techniques, c'est donner le moyen à tous d'utiliser les TIC dans leur développement personnel et professionnel, c'est apprendre à apprendre dans la société de l'information.
Les personnes suivantes, par leur réflexion ou leur pratique, ont contribué à l'écriture de cette charte :
Georgia Apostopoulou, Ilario Baronio, François Bernard, Alexis Braud, Michel Briand, Pierre Carrolaggi, David Casacuberta, Philippe Cazeneuve, Philippe Coat, Federica Collinetti, Jérôme Combaz, Albert Einarsson, Francesco Garzetti, Catherine Groleau, Ian Goldring, Esther Joly, Manel Laporta, Jean-Claude Marot, Óscar Martínez, Raul Montero, Madely Noël, Joan Pedregosa, Denis Pansu, Pierre Perez, Valérie Peugeot, Serge Pouts-Lajus, Erik Pozza, Cristina Riera, Margaret Simmonds, George Soulos, GianPiero Vellar, Jean-Baptiste Viallon.